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OPPOSABILITE DES RECOMMANDATIONS DE L’ANSM AUX LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES : VERS UNE OPPOSABILITE GENERALISEE DES RECOMMANDATIONS SANITAIRES AUX ACTEURS DE SANTE ?

Opposabilité des recommandations de l’ANSM aux laboratoires pharmaceutiques : vers une opposabilité généralisée des recommandations sanitaires aux acteurs de sante ?

En janvier 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) adoptait deux recommandations relatives aux noms des médicaments et à l’étiquetage des conditionnements des médicaments sous forme orale solide, hors homéopathie. Celles-ci précisaient les éléments que l’ANSM entendait prendre en considération pour apprécier le respect des dispositions applicables au nom et au conditionnement des médicaments lors de l’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché ou de modification d’autorisation. Elles contribuaient en ce sens à la prévention des erreurs médicamenteuses, notamment lorsque les médicaments tendent à être délivrés hors ordonnance (but étant d’encadrer nom, étiquetage et conditionnement des médicaments pour ne pas les rendre trop « attrayants » aux yeux du public)

Quelques mois plus tard, l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable saisissait le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces recommandations. Pensant que ces dernières étaient, par leur nature, insusceptibles de recours, l’ANSM opposait une fin de non-recevoir et demandait donc au Conseil d’Etat de rejeter cette requête pour irrecevabilité. Mais le ce dernier a vu les choses d’un autre œil…

Par une décision Conseil d’Etat, 1ère et 4ème chambres réunies, 21 octobre 2019, Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable, n°419996 la haute juridiction a en effet estimé qu’alors même que ces recommandations sont, par principe, dépourvues d’effets juridiques, il n’en demeure pas moins qu’elles ont pour objet d’influer tant sur les comportements des demandeurs et titulaires d’autorisations de mise sur le marché et d’enregistrements que sur les comportements de consommation des patients recourant à l’automédication, ce de manière significative. Et de conclure que, « Dans ces conditions, ces recommandations doivent être regardées comme faisant grief aux laboratoires pharmaceutiques, notamment ceux commercialisant des spécialités non soumises à prescription médicale ».

Dans la lignée de l’arrêt Conseil d’État, 27 avril 2011, Association pour une formation médicale indépendante, n° 334396 , qui considère que toute recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) peut être regardée comme une décision faisant grief, dès lors qu’elle s’intègre aux données acquises de la science, il semblerait qu’on assiste à la mise en œuvre d’une opposabilité généralisée des recommandations sanitaires aux acteurs du monde de la santé.

La mise en perspective de ces décisions vient alimenter le débat entre normes dites « dures » et celles dites « souples » ; peut-on y voir là une volonté de raffermir encore un peu les normes dites souples en santé, face à une réalité médicale évolutive, mais qu’il convient de sécuriser juridiquement ?

Reste encore à savoir si cet arrêt aura vocation à s’appliquer à l’ensemble des recommandations de l’ANSM.

Musset Avocats – Angélique Pauthier – 1er février 2020